Catherine Beaudry, professeure titulaire au Département de mathématiques et de génie industriel de Polytechnique Montréal, fait partie d’un groupe d’experts pancanadien qui a analysé l’état de la science et de la technologie et de la recherche-développement industrielle au Canada à la demande du Conseil des académies canadiennes, un organisme à but non lucratif qui soutient des évaluations indépendantes, spécialisées et à scientifiquement fondées en appui à l’élaboration de politiques publiques canadiennes.
Notamment, le comité devait faire l’état de la science et de la technologie et de la R-D industrielle au pays et identifier les disciplines scientifiques et les applications fondamentales où le Canada excelle. Également, les treize experts devaient cerner les disciplines et applications ayant connu des améliorations ou des déclins en cinq ans, les points forts du Canada en R-D industrielle ainsi que les obstacles et lacunes de connaissances qui empêchent de traduire les points forts du pays en science et technologie en innovation et en création de richesse.
Durant des travaux qui ont duré dix-huit mois, le comité a observé des indicateurs de la performance du Canada en sciences, en technologie, en recherche et en innovation. Le comité a analysé des données ayant trait aux récents résultats du Canada en recherche fondamentale, en R-D appliquée et en R-D dirigée par les entreprises, tout comme les répercussions de ces activités de recherche sur la prospérité et la création de richesse par le biais de l’innovation. Les données relatives au Canada ont été comparées à celles de pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de pays en développement faisant partie des 20 plus gros producteurs de publications de recherche examinées par des pairs, dont le Brésil, la Chine, l’Inde, l’Iran et la Turquie.
Des constats encourageants et des défis préoccupants
Les travaux du comité auquel a participé la professeure Catherine Beaudry ont fait l’objet d’un rapport intitulé « Rivaliser dans une économie mondiale axée sur l’innovation : l’état de la R-D au Canada » qui a été rendu public par le Conseil des académies canadiennes le 10 avril 2018.
Ce rapport contient des constats encourageants à propos du positionnement de la recherche-développement au Canada, en soulignant la solide réputation internationale du pays pour ce qui est de sa capacité à participer à la R-D de pointe ainsi que le maintien de son statut international sur le plan de l’impact de la recherche. On y indique aussi que le Canada bénéficie d’une large base de chercheurs de talent, d’un contexte macroéconomique stable, d’un environnement social accueillant et diversifié et d’un historique de contributions de la R-D.
Toutefois, les auteurs du rapport font état d’une incertitude quant à l’avenir du Canada en matière de réalisation de recherche de pointe et de positionnement parmi les économies les plus innovantes et productives, en identifiant des reculs subis au cours des dernières années et des carences par rapport à d’autres pays. Le rapport fait mention d’un recul de l’investissement privé et public dans la R-D qui menace d’affaiblir la capacité de recherche du Canada, d’une perte d’entreprises en démarrage innovantes au profit d’acheteurs internationaux et d’une incapacité à assurer le développement proportionnel d’un nombre suffisant d’entreprises en démarrage.
Également, le rapport sert une mise en garde à propos d’un risque croissant que des entreprises technologiques hors du Canada récoltent une part disproportionnée des bénéfices des investissements gouvernementaux en R-D. Les auteurs indiquent qu’une inertie inhérente aux modèles anémiques actuels de l’aide institutionnelle à la R-D au Canada devra être vaincue afin que les défis observés en matière d’amélioration de l’état de la R-D soient relevés.
« Au niveau de la recherche, le Canada maintient sa position à l’échelle mondiale. En revanche, le Canada semble s’être assis sur ses lauriers en ce qui a trait à la recherche sur les technologies facilitantes alors que les autres pays ont mis les bouchées doubles en intelligence artificielle et en médecine régénérative, par exemple », déclare Catherine Beaudry, coauteure du rapport du Conseil des académies canadiennes.
« Il est beaucoup plus inquiétant de constater que le Canada continue sur la pente descendante en matière d’investissement industriel en recherche-développement. Le Canada figure en queue de peloton parmi les pays de l’OCDE et est même l’un des rares pays à présenter une croissance négative de 2004 à 2013 », ajoute-t-elle.
« Plusieurs initiatives récentes qui visent une meilleure intégration des milieux de la recherche et du secteur privé ont été mises en place afin d’améliorer la performance canadienne. Au sein des différents écosystèmes d’innovation du Canada, on se doit de tous mettre l’épaule à la roue afin de renverser ces tendances peu réjouissantes », souligne la professeure de Polytechnique Montréal.
Autres faits essentiels
- Le Canada continue à abriter une infrastructure, des installations et des programmes parmi les meilleurs au monde dans de nombreux domaines de recherche. Des chercheurs les plus cités interrogés, 60 % ont répondu que le Canada abritait des programmes et une infrastructure parmi les meilleurs au monde dans leur domaine, une hausse de 4 points de pourcentage par rapport à 2012.
- Le Canada se compare favorablement avec les autres pays dans la plupart des critères de compétences en recherche et d’instruction, mais le nombre de spécialistes de la R-D employés dans l’industrie diminue.
- Les dépenses de R-D totales du Canada n’ont pratiquement pas augmenté entre 2006 et 2015 et la part de la R-D dans le PIB a constamment baissé depuis 2001. Le Canada devrait plus que doubler ses dépenses pour que l’intensité de la R-D atteigne le niveau qu’elle a dans les pays situés en tête de peloton.
- La R-D industrielle se transforme au Canada sous l’effet des tendances mondiales et nationales relatives au secteur industriel et à la taille et à la propriété étrangère des entreprises. Les dépenses de R-D canadiennes s’effectuent de plus en plus dans le secteur des services, se concentrent d’avantage dans les grandes entreprises, et la part de R-D contrôlée par intérêts étrangers au Canada augmente.
- Le Canada n’est pas un chef de file mondial dans la plupart des technologies habilitantes et stratégiques. Il a perdu du terrain dans les domaines dans lesquels il a joué un rôle fondamental au tout début de la recherche, comme l’intelligence artificielle et la médecine régénérative.
- La capacité de la R-D canadienne est aussi fortement concentrée dans les villes, et particulièrement à Toronto, Montréal, Vancouver, Ottawa et Calgary. Ces cinq villes créent des brevets et des entreprises de haute technologie dans des proportions près de deux fois plus fortes que les autres villes canadiennes.
Le rapport « Rivaliser dans une économie mondiale axée sur l’innovation : l’état de la R-D au Canada » du Conseil des académies canadiennes, auquel a collaboré la professeure Catherine Beaudry, peut être consulté ici. Le Conseil des académies canadiennes, fondé en 2005, a pour champ d’action l’ensemble de la science, ce qui englobe le génie, les sciences humaines et sociales, les sciences naturelles, les sciences de la santé et les lettres. Dirigé par un conseil d’administration et conseillé par un comité consultatif scientifique, cet organisme est soutenu entre autres par la Société royale du Canada, l’Académie canadienne du génie et l’Académie canadienne des sciences de la santé.
Rapport « Rivaliser dans une économie mondiale axée sur l’innovation : l’état de la R-D au Canada » du Conseil des académies canadiennes
Site du Conseil des académies canadiennes
Ce contenu a été mis à jour le 2018-04-10 à 11 h 35 min.