La gouvernance au féminin dans l’industrie 4.0
par Nicolas Sacchetti
La survie et la valeur de revente des entreprises québécoises du secteur manufacturier passent par la transformation numérique, l’industrie 4.0.
Prendre le tournant numérique ne veut pas nécessairement dire se lancer dans un projet d’envergure. Un objectif de se porter acquéreur d’un système de manutention autotransformable (SMAT), comme un bras manipulateur ou un système de levage pneumatique, occasionne rapidement une création de valeur. Tant au niveau du rendement, de la facilité d’exécution et de la polyvalence.
Danielle Lafond est présidente fondatrice de Labplas. Une entreprise québécoise spécialisée dans la fabrication de produits d’échantillonnages stériles aux fins d’analyse de salubrité et de composition, dont les prélèvements de surface pour détecter l’E. coli, la salmonelle, et la listéria. Grande exportatrice internationale, 93% des produits dans 60 pays, Labplas approvisionne des marchés tels que les laboratoires vétérinaires, pharmaceutiques, et agroalimentaires.
Mme Lafond a pris part au Webinaire sur la gouvernance et le leadership au féminin dans les écosystèmes d’innovation. Événement présenté par 4POINT0 dans le cadre de la première Conférence internationale sur les politiques, les pratiques et les processus liés à la performance des écosystèmes d’innovation (P4IE) du 11 au 13 mai 2021.
Entreprise innovante, son département d’ingénierie a permis de fabriquer 90% de la machinerie. Labplas possède aussi un département d’informatique et un laboratoire de microbiologie qui leur permettent d’innover tant sur le plan de l’automatisation que sur la conception de nouveaux produits.
« Les entreprises les plus performantes sont celles qui vont surfer sur la vague technologique ; si t’attends que tout le monde ait la technologie, t’as manqué le bateau. »
Danielle Lafond, présidente fondatrice de Labplas
Morceler la tâche
Afin de créer l’engouement pour la technologie, elle recommande de défaire les projets en petites étapes pour s’assurer de cumuler et de célébrer des victoires. Il en résulte une solidification de la confiance des gens et un encouragement vers le changement. En ce sens, Danielle Lafond invite les investisseurs à approcher les président·te·s d’entreprise avec de petits projets. Elle rappelle que la majorité des entreprises québécoises sont des PME dont une partie de celles-ci peine à avoir un site web fonctionnel. Elle ajoute que les têtes dirigeantes vieillissantes n’ont pas nécessairement le désir d’investir des millions à l’heure de la retraite.
La PME de 90 employé·e·s a entamé son tournant numérique il y a plus de 20 ans. Danielle Lafond mentionne que le premier progiciel de gestion intégré PGI (Enterprise Ressource Planning – ERP), développé et implanté dans l’usine, date de 1994. Progiciel est la contraction des mots produit et logiciel. Selon l’Office québécois de la langue française (OQLF), le PGI a les fonctions intégrées de « gestion des ressources humaines, comptable et financière, d’aide à la décision, la vente, la distribution, l’approvisionnement, et le commerce électronique. »
Intelligence artificielle — IA
Depuis cinq ans, Labplas étudie l’implantation d’une IA qui s’occuperait du contrôle de la qualité des produits et la mise en boîte automatique.
En 2019, l’usine de plus de 30 unités de production est passée au Epicor Kinetic, un PGI infonuagique (Cloud ERP). Kinetic est un ensemble de programmes informatiques de gestion de la chaîne logistique (Supply Chain Management – SCM) conçu pour fonctionner en interrelation. Il est basé sur une architecture orientée service AOS (Service-Oriented Architecture – SOA). Les personnes, les systèmes, et les processus sont dorénavant connectés. C’est un système interopérable, capable de communiquer et de fonctionner avec les autres.
L’OQLF définit l’AOS comme un « environnement logiciel souple décomposé en services correspondant aux processus métiers de l’entreprise, et qui tient compte des besoins spécifiques et des caractéristiques du système client […] L’avantage réside dans la possibilité d’éliminer les incompatibilités qui isolent les diverses applications d’une organisation, ces applications ayant tendance avec le temps à fonctionner en silos fermés. »
Gestion du cycle de vie du produit — GCVP
Le GCPV (Product Lifecycle Management – PLM) prend en considération les étapes de la vie du produit, de sa conception à sa disparition. En 2008, l’innovation de Labplas a permis la conception du premier sac d’échantillonnage écologique, le Twirl’em Ecolo. « À ce jour, nous sommes encore les seuls sur le marché à proposer une solution écoresponsable dans les laboratoires d’analyse à travers le monde, » souligne Danielle Lafond.
Résistance au changement
Comme l’écrivait le Professeur d’Économie à la Western Washington University, Steven Globerman, dans le Vancouver Sun du 11 juillet 2019 : « L’IA éliminera des emplois et en créera de nouveaux. » Il explique que l’automatisation augmente la productivité ainsi que la demande en compétences, ce qui en résulte de meilleurs salaires pour les travailleur·euse·s.
De nombreux informaticiens, dont l’expert canadien en IA Yann Lecun, préviennent qu’il faudra des décennies pour construire des systèmes d’IA qui se rapprochent de l’intelligence humaine. En outre, même si la technologie de l’apprentissage automatique progresse et permet aux ordinateurs de prendre des décisions de plus en plus sophistiquées, de nouvelles possibilités s’offriront aux humains d’utiliser l’intelligence automatisée pour effectuer des activités professionnelles entièrement nouvelles et accomplir leurs tâches actuelles plus efficacement.
Professeur Steven Globerman
Danielle Lafond spécifie qu’elle a pris le temps de clarifier à son personnel les intentions derrière l’implantation de l’IA dans l’entreprise. Elle s’est aussi engagée auprès de tous à ce que personne ne perde son emploi en conséquence de l’IA. La fondatrice de Labplas confie que de mettre l’humain au centre de la compagnie est la clé de son succès.
« Le leadership demande une part de communityship. »
Professeur Henry Mintzberg, Études de gestion, Université McGill
Considérant l’expertise — des électromécaniciens, manutentionnaires, jusqu’aux inspecteurs — et ayant une oreille attentive aux problématiques et solutions exprimées par ceux-ci, la résistance au changement vers le 4.0 n’est pas un enjeu majeur dans la compagnie. Labplas s’attend à ce que la valeur ajoutée de l’IA rende les tâches des employé·e·s plus intéressantes et motivantes. « En tant que leader, mon travail est de faciliter cette discussion, » relate Danielle Lafond.
La communication
Danielle Lafond explique que la communication est un outil clé pour diriger une entreprise. Communiquer ses décisions en tant que leader, et les raisons qui les motivent. « Dans l’entreprise, j’agis comme coach pour faire grandir mes employé·e·s. Faire grandir son monde, c’est faire grandir son entreprise », dévoile Danielle Lafond. Elle termine sur cette note : « Rester soi-même, c’est comme ça qu’on est crédible. »
Ce contenu a été mis à jour le 2022-09-30 à 23 h 47 min.