La flexibilité réglementaire au centre de la gestion de la pandémie à Santé Canada
par Nicolas Sacchetti
La COVID-19 a nécessité une réponse sans précédent de la part de la santé publique, mais a également confirmé l’impératif d’une flexibilité réglementaire.
À Santé Canada, avant que la pandémie ne frappe, un plan visant à rendre le système de réglementation adapté à l’innovation était déjà en place.
Élizabeth Toller est directrice du Secrétariat de l’innovation en soin de santé, à Santé Canada. Elle y dirige la modernisation de la réglementation des aliments et des médicaments, afin de soutenir l’innovation et la compétitivité. Mme Toller note que la réglementation se complexifie, compte tenu de l’accélération de la technologie numérique, de la puissance de l’IA, et de nombreuses autres innovations.
La gestionnaire s’est exprimée sur la manière dont Santé Canada a dû user de flexibilité dans la gestion de la crise de COVID-19, lors d’un panel partagé avec Kathy Malas (CHUM), Marc St-Hilaire (CAE), et animé par Annie Martin (ASC). La visioconférence s’est déroulée lors du premier Congrès P4IE sur les politiques, les pratiques et les processus liés à la performance des écosystèmes d’innovation. En présentation par le 4POINT0.
« Nous passons d’une époque de médecine où un diagnostic prévoyait un traitement, à une période où la médecine est plus personnalisée, et où les traitements sont aussi variés que les personnes », spécifie Élizabeth Toller.
C’est dans ce contexte que Santé Canada veut faire preuve de plus de flexibilité dans la réglementation. En 2019, ils ont reçu 120 millions de dollars sur cinq ans pour faire avancer l’innovation réglementaire. Le plan se décline en cinq piliers qui couvrent les cycles de vie des produits réglementés :
- 1- Moderniser la réglementation des essais cliniques
- 2- Permettre les produits thérapeutiques d’avant-garde
- 3- Flexibilité de l’octroi de licences pour les médicaments
- 4- Homologation flexible des dispositifs médicaux
- 5- Information aux Canadiens : une stratégie mobile
Dans le domaine des essais cliniques, Santé Canada a adapté la réglementation afin de soutenir les produits expérimentaux, et de rendre les informations sur les essais cliniques plus transparentes. En réponse à la gamme croissante de produits complexes, l’organisme gouvernemental travaille à établir une nouvelle voie pour les produits thérapeutiques d’avant-garde qui se heurtent à des obstacles sur le marché, du fait qu’ils sont incompatibles avec le système réglementaire actuel.
Les ordonnances provisoires
Dans les premiers jours de la pandémie, Santé Canada a dû innover afin de créer des voies d’approbation d’urgence pour se procurer les produits de prévention de propagation. L’organisme a introduit des ordonnances provisoires. Cet outil réglementaire donne plus de souplesse pour accélérer les processus d’acquisition sans compromettre l’efficacité, la qualité, et la sécurité des gens.
Santé Canada a aussi élargi l’éventail des spécialistes pouvant mener des essais cliniques et user d’outils réglementaires modernes, comme les conditions d’approbation, afin de gérer efficacement les risques et incertitudes des produits à approuver. « Nous avons également soutenu l’examen accéléré, en autorisant l’utilisation de soumissions pour les vaccins et les traitements. Alors nous pouvons accepter les preuves et les informations des entreprises aussitôt qu’elles sont prêtes, au lieu d’attendre jusqu’à la fin lorsque la soumission complète est terminée », explique Élizabeth Toller.
Ces assouplissements réglementaires temporaires ont évidemment joué un rôle clé dans la réponse à la pandémie. Ils ont également renforcé l’importance de Santé Canada d’être un organisme de réglementation flexible. Ce fut ainsi une occasion d’apprentissage pour les futurs plans de modernisation.
La collaboration
Dès les premiers jours de la pandémie, Santé Canada a pris l’initiative d’entrer en contact avec les chefs d’entreprise afin d’identifier les solutions prometteuses pour faire face à la pandémie. Il leur a été mentionné que la réglementation faisait preuve de flexibilité, et que leurs soumissions étaient attendues.
Santé Canada a aussi réuni les acteurs de l’industrie, ainsi que d’autres décideurs fédéraux, afin de débloquer les problèmes de la chaîne d’approvisionnement. Qu’il s’agisse du financement de la recherche, des défis frontaliers, de la capacité de fabrication, ou des problèmes d’approvisionnement.
L’organisme gouvernemental a investi beaucoup d’énergie dans la communication, ayant eu affaire à un grand nombre de nouveaux acteurs fournissant aux Canadiens les produits de première nécessité. Qu’il s’agisse d’entreprises de boissons alcoolisées qui fabriquent du désinfectant pour les mains ou d’entreprises non traditionnelles qui manufacturent des blouses, des écrans faciaux ou des ventilateurs.
Élizabeth Toller est d’avis que Santé Canada pourrait faire davantage pour aider les innovateurs à s’orienter dans ce système réglementaire complexe. De plus, elle tient à mentionner le travail de collaboration internationale extrêmement accrue dans le contexte de la pandémie, afin d’atteindre une cohérence réglementaire mondiale.
« La COVID-19 a renforcé l’importance d’être un organisme de réglementation flexible et connecté à l’échelle mondiale. Nous restons déterminés à faire avancer nos priorités et nos objectifs de modernisation en nous appuyant sur l’expérience que nous avons acquise. » – Élizabeth Toller
Ce contenu a été mis à jour le 2023-05-31 à 20 h 55 min.