Innover en tant qu’entreprise manufacturière de pointe au Canada
L’innovation dans le domaine manufacturier de pointe rend possibles les profits tout en employant la main-d’œuvre canadienne. C’est au travers de la collaboration décloisonnée et basée sur le partage de connaissance que les compagnies canadiennes pourront manufacturer des produits faits au pays, en utilisant des manières de faire à la fine pointe de la technologie. Ici, on présente un modèle d’affaires alternatif qui met en échec le cercle d’exploitation non éthique des travailleurs outre-mer.
par Nicolas Sacchetti
Il est plus que probable que les très petites entreprises manufacturières de pointe aient développé un nouveau produit ou service dans les cinq dernières années. Ce qui fait d’eux les plus innovantes comparativement aux PME et aux grandes entreprises.
Les très petites entreprises sont définies par un nombre de moins de 10 employés. Ils représentent près de la moitié des entreprises manufacturières canadiennes à la fine pointe de la technologie.
Shayan Fahimi fait partie de l’équipe de recherche composée de Janna Fabris, Anoush Poursartip et Elicia Maine. Elle a mené une enquête auprès des entreprises du domaine manufacturier de pointe sur la composition de leur portefeuille de propriété intellectuelle, le soutien gouvernemental qui leur est accordé, et leur culture collaborative qui permet l’innovation au sein de leur compagnie.
Fahimi est candidat au doctorat au Composites Research Network de l’Université de Colombie-Britannique. Il a présenté en octobre dernier les résultats de deux sondages sur les stratégies d’innovation inhérentes à la propriété intellectuelle dans le domaine manufacturier de pointe.
Le webinaire était une co-présentation de Composites Knowledge Network (CKN) et du Partenariat pour l’organisation de l’innovation et des nouvelles technologies (4POINT0), dans le cadre de la série des 4POINT0 d’ancrage.
Les industries manufacturières emploient autour de 10 % de la main-d’œuvre canadienne et génèrent la moitié des activités de recherche et développement du secteur privé. L’innovation est essentielle au maintien d’emplois de qualité au pays ainsi que pour assurer l’autonomie des Canadiens sur les produits de première nécessité.
« Plus de 43 % des entreprises de notre enquête ont moins de 20 employés. Ce sont les plus susceptibles d’avoir développé un nouveau produit ou service au cours des cinq dernières années. » – Shayan Fahimi
Stratégies d’innovation
Concevoir des techniques de gouvernance tournées vers l’innovation, et ce au cœur de l’entreprise, est la première stratégie mentionnée par Fahimi. Il souligne aussi l’importance d’évoluer dans un écosystème d’innovation qui favorise la coopération entre le milieu universitaire et les entreprises, des très petites (1 à 10 employés) aux grandes.
Les résultats de l’étude montrent qu’un portefeuille garni d’un grand inventaire de propriété intellectuelle est perçu comme un facteur d’innovation par les PME du secteur de la fabrication de pointe.
Il leur faut toutefois régler la question de la protection de la propriété intellectuelle, au moyen de mécanismes de protection tels que les brevets, de façon à rendre possible l’innovation collaborative entre entreprises. En moyenne, 57 % des entreprises sondées indiquent garder un secret commercial pour protéger leur innovation contre 45 % précisant utiliser des brevets.
Types de propriété intellectuelle utilisés
« Les petites et très petites entreprises sont moins motivées pour appliquer une quelconque méthode de protection de la propriété intellectuelle », mentionne Fahimi. L’enquête a révélé que parmi les entreprises qui ont lancé de nouveaux produits ou services au cours des cinq dernières années, 67 % des grandes entreprises protègent leur innovation par des brevets, contre 5 % des très petites entreprises.
« Bien que cela indique un énorme décalage entre la capacité et la volonté des grandes et des petites entreprises à utiliser les brevets, il n’est pas certain que les nouveaux produits ou services développés par ces petites entreprises répondent aux critères d’éligibilité, » précise-t-il. Le sondage démontre également que les très petites entreprises ne sont pas toutes convaincues que les brevets protègent suffisamment leur innovation.
Le partenariat d’innovation ouverte peut alors pallier l’incertitude technologique et commerciale, un obstacle majeur à l’innovation. Son lien constructif avec les méthodes légales de protection de la propriété intellectuelle peut être exploité. Une fois la propriété intellectuelle établie, la collaboration est facilité.
Obstacles à l’innovation
L’incertitude prolongée des marchés et le risque économique sont les principales entraves à l’innovation selon les auteurs. La réglementation, les ententes de recherche avec des collaborateurs externes et les politiques gouvernementales sont aussi importantes.
La majorité des petites et très petites entreprises a indiqué que le processus d’inscription aux demandes de fonds constitue un problème pour accéder au soutien gouvernemental. La méconnaissance de ces programmes est une problématique aussi soulevée dans l’étude.
Les auteurs de l’étude ont été surpris de constater que la protection de la propriété intellectuelle représente l’un des obstacles à l’innovation les moins rencontrés par les entreprises sondées.
Il faut prendre en considération qu’obtenir un brevet est un long et lent processus dont la facture augmente rapidement et dépasse les 10 000$ selon l’étendue géographique qu’on entend lui donner. En plus des coûts de maintien qui commencent à 2 000$ aux É.-U., et de tous les frais afférents.
Facilitateurs d’innovation
Un marché de capitaux développé pour l’industrie manufacturière de pointe serait le bienvenu, selon les acteurs du milieu. De plus, le Canada n’offre pas aux entreprises d’option de financement non dilutif. Ce type de financement permet à l’entreprise de ne perdre aucun fonds propre, et de ne céder aucune propriété.
Selon l’étude, la sensibilisation à la propriété intellectuelle, la réduction du coût de l’obtention et de l’application des droits de propriété intellectuelle pour les PME, et l’amélioration de la valeur commerciale des brevets sont autant de politiques actives suggérées pour encourager l’utilisation de la propriété intellectuelle.
Faire mieux
À la fin de son allocution, Shayan Fahimi ouvre sur l’avenir : « Bien qu’il n’y ait pas de solution unique pour résoudre le manque d’intérêt et de capacité des petites entreprises à déposer une demande de brevet, il est possible de les soutenir en planifiant et en développant des subventions à l’innovation qui rendent le coût des brevets accessible. D’autres études sont nécessaires pour examiner la raison de l’intérêt des très petites entreprises pour les secrets commerciaux, et le rôle des politiques d’innovation dans le soutien de secrets commerciaux tout en favorisant les pratiques d’innovation ouverte. »
Les graphiques sont tirés de : Is innovation in advanced manufacturing different? par Fahimi, Fabris, Poursatip et Maine.
Ce contenu a été mis à jour le 2022-05-19 à 12 h 39 min.