par Catherine Beaudry
Ça bouge en innovation au Québec et au Canada. On a créé un Conseil de l’innovation du Québec (CIQ), lancé une nouvelle Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation (SQRI2), un Baromètre de l’innovation, au fédéral le dernier budget a annoncé la création d’une nouvelle Agence canadienne d’investissement et d’innovation (ACI2). Permettez-moi maintenant de proposer une approche pratique pour aider les entreprises à prendre le contrôle de leurs données pour innover davantage.
Dans cette série en quatre courts blogues vidéo, je souhaite bâtir sur ce que le Québec et le Canada font bien en matière de collecte de données, d’investissement et de soutien à l’innovation.
En fournissant aux entreprises leur propre tableau de bord détaillé et des rapports d’évaluation comparative, combinés à une plus grande coordination du soutien à la croissance et à l’innovation des entreprises (SCIE), ces dernières obtiennent les moyens d’accroître leurs performances en matière d’innovation. Car après tout, ce sont les entreprises qui décident si et comment elles veulent innover.
En plus, propulser les entreprises par le contrôle de leurs données est également l’un des meilleurs moyens de garantir la gestion, l’éthique et la protection de leurs données, car les entreprises décident de ce qu’elles font de leurs propres données, avec qui elles les partagent et dans quel but.
Partie 1 – Les entreprises propulsées par leurs propres tableaux de bord et rapports d’analyse comparative ou d’étalonnage
Les entreprises sont constamment sollicitées par le gouvernement, des chercheurs comme moi et d’autres organisations pour fournir des données et remplir des questionnaires sur leurs activités et leurs performances en matière d’innovation, mais elles reçoivent rarement de l’information en retour.
Et s’il existait un guichet unique qui leur permette de fournir leurs données, et qu’en retour, elles obtiennent un tableau de bord et un rapport d’analyse comparative détaillés?
Le Baromètre de l’innovation, c’est très bien pour aider les décideurs du secteur public, mais l’outil serait encore plus puissant si les entreprises elles-mêmes savaient où elles se situent par rapport aux autres dans ce Baromètre.
Elles auraient ainsi une forte incitation à améliorer leurs performances en matière d’innovation tout en contribuant à la collecte de données. On pourrait appeler cela de la pression par les pairs. Je préfère appeler cela la première étape de la « propulsion des entreprises par le contrôle de leurs données ».
Partie 2 – Planification coordonnée du soutien de la croissance et de l’innovation en entreprise (ou le S.C.I.E.)
Notre approche suggère que les divers organismes de soutien de la croissance et de l’innovation en entreprise (SCIE) collaborent avec l’ISQ et Statcan, et entre elles, pour concevoir et coordonner la collecte des données. Cela permettrait de s’assurer que les données nécessaires à un diagnostic éclairé sont recueillies. Ce faisant, le fardeau de la collecte de données serait réduit pour les entreprises, qui n’auraient à fournir les mêmes informations qu’une seule fois.
La collecte de données et le diagnostic éclairé doivent être spécifiques à chaque entreprise. En fonction des objectifs de l’entreprise et de son évaluation initiale (à partir des données administratives et d’enquête obligatoires, par exemple), des enquêtes spécifiques seraient recommandées à l’entreprise qui choisirait d’y répondre de façon volontaire. C’est ce que nous appelons la collecte de données basée sur les incitatifs.
Pour poursuivre l’analogie avec le centre d’entraînement, différentes évaluations sont justifiées en fonction du niveau de forme physique des individus et de leurs objectifs (de la musculation au marathon par exemple).
Dans notre approche, l’ISQ et StatCan continueraient de fournir des données validées et représentatives au gouvernement et aux divers organismes qui demandent de telles statistiques descriptives pour éclairer leur analyse d’impact. Si la collecte de données basée sur des incitatifs fonctionne bien, une plus grande quantité d’information serait recueillie. Cela permettrait une analyse plus fine sans compromettre la qualité des résultats.
Partie 3 – Coordination du Soutien de la croissance et de l’innovation en entreprise (S.C.I.E.)
Après avoir reçu son tableau de bord et son rapport d’analyse comparative de la part de l’ISQ ou de StatCan, l’entreprise entre en contact avec, disons, le Conseil de l’innovation du Québec (CIQ) ou l’Agence canadienne d’investissement et d’innovation (ACI2) afin d’obtenir un diagnostic éclairé et un plan de développement pour améliorer ses résultats en matière d’innovation et de croissance, en fonction de ses objectifs pour l’avenir (à court, moyen et long terme).
Comment ce diagnostic est-il construit? À partir de deux éléments principaux. Premièrement, des équipes d’universitaires et de chercheurs des différents organismes de soutien à la croissance et à l’innovation analysent les données de l’ISQ et de Statcan afin de construire une base de connaissances sur les meilleures pratiques de soutien aux entreprises et sur l’impact de ces programmes.
Deuxièmement, des experts de ces différents organismes travaillent en équipe avec l’entreprise pour proposer un plan de développement coordonné et ciblé qui inclut des programmes spécifiques, la collaboration avec différents intermédiaires d’innovation, etc. En d’autres termes, continuer à faire ce qu’ils font le mieux.
En somme, l’équipe d’experts guide l’entreprise vers les bons programmes lui permettant d’améliorer sa performance. L’interaction entre la recherche, la connaissance, le diagnostic et l’action est au cœur de ce que mes étudiants et moi-même appelons le S.C.I.E. de précision (ou « Precision BIGS » en anglais).
Sans remplacer ou dupliquer les organismes existants de soutien de la croissance et de l’innovation, le S.C.I.E. de précision s’appuie sur la force de ces organisations pour fournir un investissement et un soutien ciblés et coordonnés. En d’autres termes, cette mission ne perturbe pas l’écosystème d’innovation, mais le renforce en favorisant une plus grande collaboration entre ces organisations, Statistique Canada et les entreprises québécoises et canadiennes.
Pour poursuivre l’analogie avec le centre d’entraînement, ce qui est proposé à l’entreprise est l’équivalent d’un « plan de mise en forme », et les moyens de s’améliorer, d’innover et de se développer.
Part 4 – Des entreprises propulsées par le contrôle de leurs données à la gouvernance des écosystèmes d’innovation
Si nous rassemblons tous les éléments mentionnés dans les trois derniers blogues vidéo, nous obtenons le tableau suivant. L’entreprise est incitée à fournir des données à l’ISQ ou à Statcan qui, à leur tour, produisent un tableau de bord détaillé et un rapport d’analyse comparative qui est remis uniquement à cette entreprise-là.
Si l’entreprise le souhaite, elle contacte alors l’équipe de diagnostic du S.C.I.E. de précision (ou Precision BIGS en anglais) qui analyse le tableau de bord et le rapport d’analyse comparative. Le diagnostic de l’aptitude à l’innovation et à la croissance de l’entreprise qui en résulte oriente alors le plan d’action qui est proposé à l’entreprise.
Ce plan d’action impliquera très probablement les organismes de soutien de la croissance et de l’innovation qui ont une grande expérience dans la mise en œuvre de tels programmes. L’entreprise est donc propulsée par le contrôle de ses propres données et gagne un temps précieux en ayant qu’une seule fois à fournir les données nécessaires à différents organismes gouvernementaux.
Le CIQ, les organismes de soutien de la croissance et de l’innovation, et la future ACI2 font partie de l’écosystème d’innovation qui entoure l’entreprise. De nombreuses autres organisations contribuent à aider l’entreprise à innover, à obtenir les certifications nécessaires, à croître et à exporter. Au Québec et au Canada, nous avons besoin d’une, ou des organisations qui combine le double rôle de recherche et de diagnostic, qui génère des connaissances et met en œuvre des actions et qui, en tant que telle, est l’orchestrateur naturel de l’écosystème d’innovation. Serait-ce le Conseil de l’innovation du Québec? la future Agence canadienne pour l’investissement et l’innovation (ACI2) ?
Ce contenu a été mis à jour le 2022-07-05 à 20 h 38 min.